Les guerriers de l'hiver

Couverture de Les guerriers de l'hiver par Olivier NOIREK
Olivier NOIREK

EAN: 9782749947204

448 pages

Histoire vraie

MICHEL LAFON (29/08/2024)

Etoile Etoile Etoile Etoile Etoile

Résumé

Le nouveau roman événement d'Olivier Norek.
" Je suis certain que nous avons réveillé leur satané Sisu .
– Je ne parle pas leur langue, camarade.
– Et je ne pourrais te traduire ce mot, car il n'a d'équivalent nulle part ailleurs. Le Sisu est l'âme de la Finlande. Il dit le courage, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination... Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d'un acier qui nous résiste aujourd'hui. "

Imaginez un pays minuscule.
Imaginez-en un autre, gigantesque.
Imaginez maintenant qu'ils s'affrontent.

Au cœur du plus mordant de ses hivers, au cœur de la guerre la plus meurtrière de son histoire, un peuple se dresse contre l'ennemi, et parmi ses soldats naît une légende. La légende de Simo, la Mort Blanche.

Avis

La figure de Churchill, le sang, le labeur, les larmes et la sueur qu'il a promis aux Britanniques lors de son premier discours à la Chambre des communes en mai 1940 sont bien connus et bon nombre de films, séries, livres ont récemment rendu le grand public à nouveau sensible tout à la fois à la figure héroïque, folle, de Churchill et au courage désespéré des peuples britanniques, dernier et bien solitaire rempart contre l'invasion nazie de l'Europe.

Mais la Finlande ? de quoi se souvient-on à propos de ce pays dont l'indépendance ne date que de 1917, coincé tout en haut entre la Suède et le géant URSS ? Qui a aujourd'hui en mémoire son combat héroïque, désespéré contre l'armée rouge durant l'hiver 1939 ?

Si j'en crois l'immense plaisir que j'ai pris à la lecture du dernier roman d'Olivier Norek, Les Guerriers de l'hiver, il est bien possible que cette histoire alimente dorénavant nos imaginaires de manière aussi puissante que celle de la Grande Bretagne des années 40. Oui, ce roman, qui n'est pas un polar, a le souffle pour que Simo Häyhä et ses camarades illuminent de leur histoire nos mythologies collectives.

Nous voilà donc en décembre 1939 et les plus de mille kilomètres qui font la frontière sud entre la Finlande et l'URSS font l'objet de mouvements de troupes et d'intimidation côté soviétique. Pétris de terreur face à la toute puissance d'un Staline déjà paranoïaque, ses chefs d'armée se tiennent prêts à envahir, au moindre prétexte, le minuscule pays d'à peine trois millions d'habitants quand l'URSS en compte 47 fois plus.

La Finlande est rurale, l'URSS est industrielle. Sous équipée quand l'armée rouge est quatre fois plus nombreuse et dotée d'un matériel moderne. La Finlande n'a aucune chance et son dirigeant Mannerheim le sait bien, ses hommes, « c'est en enfer qu'[il] les envoie. » Et pourtant, la bataille fera rage des mois durant.

Tout ceci aurait pu faire un poussif roman historique. Ou un grandiloquent hommage belliciste à l'héroïsme des soldats finlandais. On aurait pu aussi verser dans un romanesque qui ne laisse à cette trame historique que le statut de toile de fond. Mais non. Olivier Norek raconte le courage incroyable de tout un peuple, « l'obstination, le cran, la force intérieure, la ténacité, la résistance, la détermination, la volonté… » qui font le Sisu finlandais érigé en mythe national. Mais il le fait du point de vue placide de ces hommes qui n'ont jamais demandé la guerre et qui se battront comme des loups contre l'oppresseur. Il le fait avec le recul permettant d'analyser les erreurs tactiques soviétiques, la force des rumeurs, l'addition des actes de courage individuels menant à une résistance collective sans précédent.

Les guerriers de l'hiver jouent de la figure croquignolesque du faible qui botte les fesses d'un géant idiot mais aussi de l'Hiver, de la nature d'un pays de forêts, de lacs et de glace dans lequel on a compté cette année-là jusqu'à 50 degrés en dessous de zéro. Construit autour de la figure humble et héroïque de Simo Häyhä, un paysan devenu redoutable snipper, le roman suit le cours chronologique de ces mois de combats acharnés, relève les failles presque terrifiantes d'absurdité du fonctionnement soviétique, l'ingéniosité et la folie des Finlandais, dévoile les outils de propagande et la manière dont « la mort blanche » aura terrorisé des milliers de soldats avant d'en tuer beaucoup.

Tout m'a plu : l'intelligence du propos qui ne verse dans aucune outrance stylistique ou idéologique, la fluidité de la narration, l'hommage appuyé à un peuple héroïque, parti défait et pourtant jamais vaincu, les échos que cette histoire provoque dans notre présent européen.

Cette rentrée littéraire sera riche en romans ayant les années 30 et 40 pour thème. Sans doute, cent ans après, alors que les derniers survivants s'éteignent doucement, il s'agit de reprendre dans la mémoire fictionnelle collective ces souvenirs qui ne seront plus incarnés par des témoins vivants. Sans doute aussi que les années glorieuses et insouciantes où la guerre apparaissait comme une vieillerie d'un autre âge sont désormais derrière nous et que, par des histoires telles que celle-ci, on s'arme d'une lucidité nécessaire face aux menaces toute proches.

Mais en plus de convoquer en nous ce qu'il y a de résolution à combattre pour préserver l'intégrité d'un territoire et les valeurs démocratiques qu'il abrite, Les guerriers de l'hiver est un splendide roman qui offre un plaisir de lecture aussi rare que délicieux.

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